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De Cardano à Laplace

Vers la fin du Moyen Age, l'usage des chiffres arabes s'est généralisé, l'arithmétique s'est développée. Cela a peut être facilité l'approche du calcul des chances par des nombres. Le calcul des probabilités était né mais s'appelait la géométrie du hasard. On a fait le rapprochement entre le nombre de résultats réalisant une figure donnée durant une partie et la fréquence d'apparition de cette figure au cours d'une longue suite de parties.
Donc, il n'est pas étonnant que les premiers écrits contenant le concept de la probabilité numérique ont été redigés. Le ``De ludo aleae'' de Girolamo Cardano (1501-1576) a été publié en 1663 (redigé déjà 1525). Et un énoncé de Galileo Galilei (1564-1642) qui traite le problème du Grand Duc du Toscane a été publié en 1718. Ce problème du Grand Duc du Toscane montre la polémique célèbre:
Si on jette 3 dés combien existe-t-il de résultats différents possibles? Soit on a 216 (si les dés sont distinguables), soit 56 (si les dés ne sont pas distinguables). On voit qu'il faut bien définir le problème pour que le résultat soit le résultat souhaité. Outre ce problème, il existe 2 autres problèmes anciens très intéressants. Ils étaient proposés par le Chevallier de Méré, un joueur et viveur, à Blaise Pascal (1623-1662) et Pierre de Fermat (1601-1665), membres du cercle des protégés et connaissances du Duc de Roannez. Dans ce cercle on a souvent discuté des questions mathématiques. Le premier était de trouver le nombre n de jets de dés pour que les chances d'un double six soient supérieures à $\frac{1}{2}$. Une règle empirique venant des joueurs dit que c'est

\begin{displaymath}n = 24 \mbox{ avec } p_{24} = \frac{1}{2} \mbox{,}\end{displaymath}

mais la solution exacte est

\begin{displaymath}n = 25 \mbox{, car on a } p_n = 1 - \left(\frac{35}{36}\right)^n\end{displaymath}


\begin{displaymath}\mbox{avec } p_{24} = 0,4914 \mbox{ et } p_{25} = 0,5055 \mbox{.}\end{displaymath}

60 ans plus tard Abraham de Moivre (1667-1754) a trouvé une règle approximative

\begin{displaymath}n = N*\ln2\end{displaymath}

où N est le nombre de cas possibles suffisamment grand. Pour notre problème on a N=36, alors

\begin{displaymath}n= 36*ln2 = 24,85 {}\simeq{} 25 \mbox{.}\end{displaymath}


Le deuxième est le problème des parties, des points ou de division. Il s'agit de trouver le partage du prix d'un jeu s'il est interrompu avant qu'un participant ait obtenu un certain nombre de points pour gagner. On le trouve dans un livre de Luca Pacioli (1445-1517) de 1494, dans l'Arithmétique de Forestani de 1603, même dans les manuscrits italiens de 1380 l'historien Ore l'a retrouvé. Cardano a essayé de le résoudre en montrant la fausseté du résultat de Pacioli, de même Nicolo Tartaglia (1500-1557) a critiqué le travail de Cardano et Gilles de Roberval (1602-1675) celui de Pascal. Influencé par le Chevallier de Méré, Pascal a commencé une correspondance avec Fermat sur quelques questions générales des probabilités et sur ce problème particulier. Pascal l'a résolu en utilisant le triangle arithmétique des coefficients du développement de (a+b)n. Ce triangle portant son nom n'a pas été trouvé par lui-même. Omar Khayyam (1048-1122) l'a discuté dans un livre d'algèbre au 11éme siècle et déjà les Chinois l'ont peut-être fait encore avant lui. Fermat l'a consideré comme un problème de disposition avec répétition. Ils ont trouvés tous les deux la même solution.

En 1655 Christiaan Huyghens (1629-1695) est venu en France. Il y a rencontré Roberval et d'autres membres du cercle du Duc de Roannez. Il s'est occupé des problèmes traités par Fermat et Pascal et en 1656 il leur a communiqué son manuscrit pour l'approbation. C'est enfin en 1657 que son oeuvre ``De Ratiocinius in Ludo Aleae'' a été présentée au monde. Ici, il a défini et utilisé la notion d'espérance mathématique et ses cinq problèmes y sont présentés sans solution. Mais il n'a jamais prétendu être l'inventeur du calcul des probabilités. Il a attribué cette invention à Pascal et Fermat. Plus tard il a résolu ses problémes et des cas particuliers du problème des parties.
Avec la méthode de Pascal, renouvellement et stationnarité dans le temps, il était possible de résoudre la plupart des problèmes de jeux et ceux de Huyghens. Jusqu'à ce temps là le calcul des probabilités n'a pas été consideré comme une discipline mathématique. Cela est dû à 4 livres très importants et spécialement à Jaques Bernoulli (1654-1705). Le livre ``Essai d'Analyse sur les jeux de hasard'' a été le premier. Pierre de Montmort (1678-1719) qui correspondait aussi avec Gottfried Wilhelm von Leibniz (1646-1712) et Sir Isaac Newton (1643-1727) l'a publié d'après un résumé de vie de Jaques Bernoulli par Bernard de Fontenelle (1657-1757). La première édition de 1708 consiste en une préface suivie de 3 parties respectivement des jeux de cartes, des jeux de dés et d'autres problèmes sur les jeux de hasard comme par exemple les cinq problèmes proposés par Huyghens. Dans la deuxième édition on trouve la même préface, les 3 autres chapitres élargis et généralisés, avec en plus un chapitre de combinatoire - ce chapitre correspondait à quelques lignes dans la partie sur les jeux de cartes de la première édition - et les lettres de la correspondance entre Montmort, Jean Bernoulli (1667-1748) et Nicolas Bernoulli (1687-1759) mentionnant le ``Paradoxe de St.Petersbourg''. Ce paradoxe n'a été résolu qu'en 1937 par William Feller (1906-1970) en appliquant une loi généralisée des grands nombres.
Avec son travail Montmort a continué celui de Pascal en combinatoire et ses applications à la solution des problèmes des jeux de hasard. Et il savait utilisées effectivement les méthodes de récursion et d'analyse pour résoudre des problèmes plus difficiles que ceux de Huyghens et la méthode des séries infinies. Mais déjà pendant les années 1690, Jaques Bernoulli a commencé de travailler sur son oeuvre importante ``Ars Conjectandi'' qui n'était publiée qu'en 1705 par son neveu Nicolas Bernoulli. Dans le premier chapitre on trouve des résultats sur les jeux de hasard de Christiaan Huyghens avec des commentaires de Jaques Bernoulli. Les trois autres chapitres contiennent des idées de lui-même comme les règles de la combinatoire en renvoyant à Frans van Schooten (1615-1660), Leibniz, John Wallis (1616-1703) dans le deuxième. Dans le troisième il a appliqué les propositions de la combinatoire aux jeux de hasard. Enfin le dernier chapitre contient la loi des grands nombres. C'était le plus grand pas vers la reconnaissance du calcul des probabilités comme discipline mathématique.
Le traité classique durant près d'un siècle a été ``Doctrine of chances'' de de Moivre. C'est un mélange de son livre ``De Mensura Sortis'' traitant les solutions de 26 problèmes et le livre ``Essai d'Analyse des jeux de hasard''. On y trouve traitées les équations aux différences finies, les fonctions génératrices et les séries récurrentes appliquées au calcul des probabilités et on trouve définies l'espérance mathématique, l'indépendence et la probabilité conditionnelle. Et de plus les règles d'addition et de multiplication sont établies clairement et précisément. Il existe 3 éditions qui commencent toutes par une introduction avec des définitions et des théorèmes élémentaires et après une partie avec des problèmes. La première édition de 1718 contient 53 problèmes du calcul des probabilités, la deuxième de 1740 75 du calcul des probabilités et 15 problèmes d'assurance et la troisième de 1756 74 du calcul des probabilités et 33 problèmes d'assurance. Le travail de de Moivre a contribué à l'invention de la loi normale approfondissant la loi des grands nombres de Jaques Bernoulli en utilisant la formule asymptotique pour n! obtenue par de Moivre lui-même et par James Stirling (1692-1770). Cette formule est connue aujourd'hui comme cas particulier de la formule de Stirling. La loi normale est aussi appelée la loi gaussienne après le mathématicien Carl Friedrich Gauss (1777-1855).

Aussi au 18ème siècle la théorie des erreurs s'est developpée. Il s'agit d'obtenir une loi de probabilité des erreurs c'est-à-dire les différences entre les vraies valeurs d'une quantité et les valeurs mesurées par une observation. C'est à Thomas Simpson (1710-1761) que l'on doit l'introduction d'une loi uniforme discrète en 1756 dans une lettre au Président de la Royal Society of London et une loi triangulaire discrète des erreurs. Il a aussi obtenu ``la loi de probabilité de la somme des n erreurs indépendantes'' à l'aide des fonctions génératrices introduites par lui-même et par Joseph Louis Lagrange (1736-1813) et utilisées par de Moivre. En 1776 Lagrange a rédigé un mémoire dans lequel il a obtenu les même résultats que Simpson. En outre il a étudié d'autres lois continues comme la distribution uniforme, la distribution parabolique, qui était généralisée en 1781 par Pierre Simon, Marquis de Laplace (1749-1827) à un intervalle [a,b], et la distribution cosinusoïdale. En 1760 le traité ``Photometria'' de Johann Lambert (1728-1777) a été publié. On y trouve la méthode du maximum de vraisemblance.
En considerant la fonction de densité

\begin{displaymath}f(x)=\frac{k}{2}e^{-k\vert x\vert} \mbox{ avec } -\infty < x < \infty, ~k \in R^+ \end{displaymath}

Laplace a obtenu la première loi, la loi double exponentielle, dont le domaine de définition est la droite réelle. Cette loi est dénommée la première loi des erreurs de Laplace. En 1774 il a obtenu ``le théorème de Bayes'' de la probabilité conditionnelle. C'est un de ces 10 principes. Peut-être il n'a pas eu connaissance que Thomas Bayes (1702-1761) a obtenu ce résultat 10 ans plus tôt. On peut le retrouver dans un article posthume de Bayes. Laplace a écrit un exposé ``Théorie analytique des probabilités'' dans lequel on trouve toutes les connaissances des problèmes de la probabilité de ce temps là comme la théorie des jeux de hasard, la géometrie de hasard, la loi des grands nombres de Jaques Bernoulli et la méthode des moindres carrés de Adrien-Marie Legendre (1752-1833) et Gauss. Il y a généralisé et approfondi les problèmes mathématiques et statistiques. A la suite Lambert Quételet (1796-1874) et Siméon Denis Poisson (1781-1840) étaient influencés par son oeuvre. En 1812 il a généralisé le théorème limite central connu sous le nom de théorème de de Moivre-Laplace. Ce que de Moivre a consideré en 1718 pour $p=\frac{1}{2}$, il a consideré pour p quelconque. C'est le théorème de la convergence vers la loi normale d'une somme d'un nombre croissant de variables aléatoires. Les démonstrations des théorèmes précédents sont immédiates lorsqu'on utilise l'inégalité de Tchebychev qui porte le nom du mathématicien russe Tchebychev (1821-1894) et l'égalité de Bienaymé de 1859 denommé après Irénée-Jules Bienaymé (1796-1878). En 1824 Poisson a consideré la loi nommé ``loi de Cauchy'' d'après Augustin Cauchy (1789-1857). Dans un ouvrage de 1837 il a présenté la distribution de Poisson comme distribution limite de la loi de Pascal et de la loi binomiale appelée aussi formule de Bernoulli.


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Dana Meisel
1999-06-16