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Droit et mathématiques, équité et égalité.

Cette digression sur le droit dans un exposé consacré à la modélisation statistique est surtout là pour insister sur les liens historiques entre calcul et justice. Une expression telle que <<deux poids, deux mesures>> montre que ce lien existe encore dans le langage français courant. Les poids et mesures évoquent le monde la physique et du calcul, alors que l'expression se réfère à une injustice. On dit aussi une lourde peine ou une lourde amende, comme si la justice pesait les fautes et infligeait des peines en fonction de ce poids, c'est sans doute pour cela que la balance reste le symbole de la justice alors que c'est surtout un outil de scientifique, physicien, chimiste, biologiste etc. Le mot mesure, comme beaucoup de mots, a plusieurs sens, pour les statisticiens de formation mathématique il évoque la théorie de la mesure qui est un préalable incontournable pour faire des probabilités qui sont elles mêmes incontournables pour faire des statistiques. Attention, toutefois, les statistiques élémentaires étaient pratiquées à Rome, durant l'antiquité Chinoise et même plus anciennement, les probabilités sont apparues à la Renaissance, la théorie de la mesure a été élaborée au vingtième siècle, la chronologie du système éducatif n'est pas la même que celle de l'histoire des sciences. Il est intéressant de noter que le mot même de probabilité a une étymologie liée au droit; probable est en quelque sorte un synonyme de prouvable, ce que nous appelons maintenant calcul des probabilités s'appelait encore au dix septième siècle <<géométrie des chances>>. Il faut bien noter que souvent c'était les juristes qui avaient le plus besoin de connaître l'utilisation des chiffres et de la géométrie utilitaire, l'économie n'est apparue que tardivement, comme une discipline indépendante du droit. Souvent parmi les <<mathématiciens>> de la Renaissance on trouve des spécialistes du droit ayant reçu initialement une formation de juriste. Un exemple typique est François Viète né en 1540 à Fontenay le Comte, ayant fait des études de droit à Poitiers, obtenant une charge d'avocat en 1560. Viète est surtout connu pour avoir introduit les notations mathématiques usuelles, +, -,= pour l'algèbre, et l'usage de lettres pour désigner les quantités inconnues, mais il a écrit plusieurs ouvrages de mathématiques. Viète avait utilisé les premières lettres de l'alphabet, a, b, c, pour désigner les quantités inconnues dans les équations, par la suite Descartes a décidé d'utiliser les dernières lettres x, y, z et depuis l'usage est resté. Viète était conseiller parlementaire, un de ses titres de gloire est d'avoir su décoder les messages secrets espagnols en 1590, pour le compte d'Henri IV au cours d'une guerre. Nombreux sont les juristes du seizième siècle qui étaient des érudits, un des facteurs évidents de cette érudition se situant dans les progrès de l'imprimerie et la disponibilité des livres, tous n'étaient pas nécessairement capables d'innover comme le fit par exemple Viète, mais beaucoup étaient capables de comprendre les innovations des autres et même de se passionner pour celles ci. Le parlement de Toulouse au seizième siècle était un lieu d'érudition mais il fallut attendre le dix septième pour qu'un juriste conseiller au parlement de Toulouse laisse un nom dans le champ des mathématiques, mais on peut dire que cela valait la peine d'attendre, étant donné qu'il s'agit du plus illustre des mathématiciens ayant vécu dans cette ville et sans doute un des plus illustres de tous les temps.


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Joseph Saint Pierre
1998-11-24