D'un autre côté on peut se demander si la vision du hasard dans l'antiquité gréco-romaine n'était pas différente de celle qui a vu le jour vers la fin du Moyen-Âge européen et du début de la Renaissance pour des raisons de différences de <<mentalité>>. Dans l'antiquité il y avait plusieurs dieux mais même Zeus le dieu le plus important des grecs était soumis à une instance supérieure qui s'appelait le Destin, à fortiori les mortels se considéraient comme prisonniers du Destin. La divination envisageait, semble-t-il, de connaître son avenir mais pas vraiment de le changer. À l'intérieur de la mythologie, il existe un personnage dont l'histoire caractérise cet aspect inéluctable du Destin, il s'agit d'Oedipe. Laïos, roi de Thèbes et Jocaste se firent annoncer par la Pythie de Delphes que leur fils Oedipe tuerait son père Laïos et épouserait sa mère Jocaste. À cause de cet oracle les parents se séparèrent d'Oedipe qui fut récupéré et élevé par le roi de Corinthe. Devenu grand Oedipe rencontra un devin, aveugle mais clairvoyant, qui lui refit la terrible prédiction, qu'il ignorait, il fuit ceux qu'il croyait être ses parents. Sur la route de Thèbes il se dispute avec un étranger et le tue, il s'agit de Laïos son père. Plus tard il rencontre le Sphinx et résout l'énigme du Sphinx, ce qui lui vaut de devenir roi de Thèbes et de gagner la main de Jocaste. L'oracle de la Pythie s'est donc réalisé malgré les efforts des mortels, le Destin est inéluctable. Le mythe d'Oedipe a été utilisé par la psychanalyse mais pas vraiment pour marquer le caractère non négociable de la destinée humaine, mais plutôt, dans ma vision naïve de la psychanalyse, pour parler des relations entre parents et enfants. Le caractère inéluctable et non négociable du futur, peut être, c'est une hypothèse personnelle, une raison pour ne pas chercher à le rationaliser. Un certain nombres d'ouvrages sur le Moyen-Âge montrent qu'une hypothèse de ce style peut toutefois être envisagée. Beaucoup plus tard Einstein qui refusait l'utilisation des probabilités dans la mécanique quantique avait dit <<Dieu ne joue pas aux dés>>; une telle attitude au vingtième siècle de la part d'un aussi grand savant montre qu'une telle hypothèse peut avoir un peu de sens. Les convictions religieuses, idéologiques où politiques peuvent, semble-t-il, influencer le travail des scientifiques qui sont après tout, aussi, des êtres humains soumis à des croyances.