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Astronomie, mathématiques, probabilités et statistiques

Si il y a un domaine où les travaux de Newton furent essentiels c'est bien évidemment l'astronomie. La loi de la gravitation universelle permit de comprendre les lois que Johannes Kepler (1571-1630) avait établi pour expliquer le mouvement des planètes. Kepler avait établi ces lois à partir des observations faites par l'astronome danois Tycho Brahe (1546-1601) dont il avait été l'assistant à Prague. Ce mécanisme est symbolique de la démarche scientifique, d'abord observation (Brahe), ensuite formalisation (Kepler) enfin théorisation (Newton). Il y a une découverte très importante dans l'histoire de l'astronomie qui est un très bon exemple de <<modélisation>> il s'agit de la découverte de la planète Neptune, cette histoire figure très souvent dans les cours de philosophie au lycée mais j'en ai trouvé une excellente version sur le WEB à l'adresse suivante: http://www.u-bourgogne.fr/c.nitschelm/histoire.html. Vous pouvez trouver à cette page un excellent cours sur l'histoire de l'astronomie, fait par monsieur Christian Nitschelm, pour des étudiants de DEUG scientifiques à l'Université de Bourgogne à Dijon, j'en ai extrait le paragraphe sur Neptune le voici: <<La découverte de la planète Uranus par William Herschel en 1781 avait été suivie par des observations nombreuses au cours du temps et par une modélisation sous forme de tables de la trajectoire suivie par cette planète à partir des lois de la mécanique céleste. Les premiers temps, la planète nouvellement découverte sembla suivre correctement la trajectoire calculée, alors que tous les astronomes supposaient que les tables étaient rigoureusement exactes. En 1821, cependant, l'astronome français Alexis Bouvard reprit les tables et les observations et constata que quelque chose d'étrange était en train de se produire. Vers 1830, les soupçons de Bouvard se confirmèrent, la planète étant en train de s'écarter inexplicablement de sa trajectoire théorique. Il fallut cependant encore attendre quelques années de plus pour que cet écart devienne intolérable au niveau de la mécanique céleste. La conclusion devint alors évidente, le mouvement d'Uranus était perturbé par une autre planète. Vers 1841, l'anglais John Couch Adams débuta un long travail d'analyse théorique qui lui pris cinq ans. Ce travail, terminé en 1846, déterminait la localisation céleste et les caractéristiques du corps perturbateur qui influençait l'orbite de la planète Uranus. Vers 1843, le français Urbain Jean Joseph Le Verrier débuta indépendamment le même travail qu'il termina plus rapidement, également en 1846. Les deux hommes arrivèrent à la même conclusion: les irrégularités de la planète Uranus étaient dues à une planète perturbatrice encore inconnue située au-delà et dont la position à une certaine date pouvait être calculée. Sa masse et son pouvoir attracteur pouvaient également être déterminés. Alors qu'Adams se heurta à la bureaucratie anglaise de l'époque et à la mauvaise volonté de l'astronome royal George Biddell Airy, lequel refusa d'effectuer des recherches avec l'aide du matériel de l'Observatoire Royal de Greenwich, Le Verrier, qui était mathématicien et absolument pas observateur, utilisa très habilement ses bonnes relations avec l'astronome allemand Johann Gottfried Galle qui utilisait à l'Observatoire de Berlin un nouveau réfracteur très performant. Utilisant les calculs de Le Verrier, Galle, après quelques recherches infructueuses menées à l'aide de l'astronome allemand Heinrich Louis d'Arrest, découvrit effectivement le 23 septembre 1846, en collaboration avec ce dernier, un astre inconnu assez proche de la localisation calculée par le français. Cet astre, qui correspondait assez bien aux spécifications théoriques de Le Verrier et d'Adams, fut appelé Neptune. La découverte de la planète Neptune apparut comme étant une éclatante confirmation de la mécanique newtonienne. Cette dernière avait en effet permis de découvrir une nouvelle planète uniquement par le calcul. Cette constatation fit d'ailleurs dire à l'astronome français François Arago que Le Verrier avait vu Neptune avec la pointe de sa plume...>> L'histoire de l'astronomie a énormément de liens avec l'histoire des statistiques et des probabilités, il est évident qu'en astronomie il y a énormément d'observations et que ces observations peuvent être entachées d'erreurs, dans le cas de l'observation de la trajectoire d'Uranus, l'écart entre la trajectoire prévue et la trajectoire observée a, pendant quelques années, été considéré comme non problématique, puis cet écart est devenu intolérable. Ce genre de raisonnement est typiquement celui de la statistique mathématique. Au niveau des histoires des individus il est sur qu'il y a eu énormément de connexions. Pour commencer citons Christiaan Huygens (1629-1695) qui a écrit un ouvrage très important dans l'histoire des probabilités : <<De Ratiociniis in Ludo Aleae>> paru en 1657; mais Huygens est connu pour avoir mis en évidence les anneaux de Saturne, en 1655 il découvrit Titan, le plus gros satellite de Saturne, il construisit des lunettes astronomiques et fit de fréquentes observations astronomiques de divers objets célestes. Huygens a étudié le droit et les mathématiques à l'université de Leyden, il a été, très jeune, en contact avec Descartes. À partir de l'histoire de Huygens et de son travail, dans le domaine de la physique du solide et des probabilités on peut noter que certaines similitudes de concepts, de calculs et même d'appellations subsistent entre la mécanique du solide et la statistique. La moyenne, en statistique, est un concept très proche du centre de gravité en mécanique, la variance en statistique peut être considérée comme un équivalent de l'inertie. Parfois dans les techniques d'analyses factorielles, on parle de pourcentage d'inertie, alors que d'autres parlent de part de variance. Il existe, en mécanique du solide, un théorème, qui s'appelle, théorème de Huygens, qui donne une formule de décomposition de l'inertie d'un solide; cette formule rappelle étrangement la décomposition de la variance, entre variance inter et variance intra telle qu'elle se pratique dans l'analyse de variance. L'analyse de la variance a été mise au point par Ronald Fisher (1890-1962) qui avait fait des études d'astronomie avant de s'intéresser à la théorie des erreurs puis aux statistiques. Fisher a étudié la théorie des erreurs à partir d'un livre écrit par Airy, l'astronome qui empêcha Adams d'observer Neptune à Greenwich et permit à Leverrier de le doubler. Dans les techniques factorielles, l'extraction des facteurs, appelés, aussi parfois, axes principaux d'inerties, se fait exactement comme en mécanique du solide l'extraction des axes principaux d'inertie. Les analogies entre les deux secteurs peuvent être donc notés. Huygens a étudié à Leyden, grande ville universitaire Hollandaise, c'est l'équipe de statistiques de cette université qui a écrit le <<module>> categories du logiciel SPSS, il se trouve que c'est avec ce module que l'on peut faire dans SPSS la plupart des analyses utilisant les techniques factorielles. Le mathématicien Allemand Carl Friedrich Gauss (1777-1855) a exploré énormément de secteurs des mathématiques et de la physique, il a laissé son nom à loi gaussienne, connue aussi sous le nom de loi normale, la forme de cette loi est connue sous le nom de courbe de Gauss ou courbe en cloche, en 1809 Gauss a publié <<Theoria motus corporum coelestium in sectionibus conicis Solem ambientium>> , un traité en deux volumes sur le mouvement des objets célestes le premier volume est constitué de mathématiques, dans le second volume Gauss montre comment estimer et ensuite raffiner l'estimation de l'orbite des planètes, après 1817 Gauss a cessé de faire de la théorie astronomique mais il fit des observations jusqu'à l'âge de 70 ans. Il semble que ce soit à Gauss que l'on doive la première idée de la régression linéaire. Pierre Simon de Laplace (1749-1827) fut un contemporain Français de Gauss, ses deux ouvrages majeurs sont <<Traité de mécanique céleste>> en cinq volumes et <<Théorie Analytique des Probabilités>>, les français ont longtemps appelé la loi de Gauss, loi de Laplace-Gauss voire loi de Laplace, alors qu'il existe une loi de probabilité différente qui s'appelle loi de Laplace. Laplace a été connu surtout par son implication politique, il a été ministre de Napoléon Ier, il a été un des responsables de la mise en place du système métrique. François Arago (1786-1853) fut astronome à l'origine de la standardisation du système métrique, il fut lui aussi ministre mais de la deuxième république, il a eu quelques élèves prestigieux Urbain Le Verrier (1811-1877) qui <<découvrit>> Neptune mais aussi Adolphe Quêtelet (1796-1874). Quêtelet était un mathématicien Belge qui a appris les probabilités avec Laplace et Fourier et l'astronomie avec Arago, mais il est connu pour avoir été le premier à étudier la loi normale autrement que comme loi des erreurs. Mais on peut dire que Quêtelet a surtout eu un rôle essentiel dans l'utilisation de la statistique mathématique dans les sciences humaines, il a utilisé ses savoirs mathématiques pour étudier les crimes, il a collecté et analysé des statistiques sur la mortalité les crimes et amélioré les techniques des recensements de population. Son travail a provoqué de grandes controverses. Son ouvrage <<Sur l'homme et le développement de ses facultés, essai d'une physique sociale>> paru en 1835, présente une conception de l'homme moyen comme possédant la valeur centrale pour les différentes mesures, en supposant que ces mesures suivent une loi normale. Quêtelet a été considéré comme un des fondateurs de l'anthropométrie, l'histoire de ce concept est le sujet central du livre de Stephen Jay Gould, <<la mal-mesure de l'homme>>. Mais indépendamment des rôles des individus dans l'histoire il est important de voir que un des objectifs fondamentaux tant de l'astronomie que des probabilités est commun il s'agit de la temporalité. dans les deux disciplines le temps a un rôle primordial, une des premières utilités de l'astronomie est de mettre au point des calendriers, même si la découverte des nouvelles planètes semble avoir obéi à d'autres motivations apparemment. Le positionnement précis des objets célestes a été souvent motivé par les grandes navigations, à partir de ce que l'on voit dans le ciel on peut connaître sa latitude, la détermination de la longitude a été un des problèmes scientifiques les plus importants il a été résolu par une très grande précision dans la mesure du temps.


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Joseph Saint Pierre
1998-11-24