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La revanche de Platon ?

Je partage pleinement le point de vue de Stephen Jay Gould, mais je précise qu'il faut, à mon avis, se méfier du rejet complet de l'esprit de Platon, et je profite de cette remarque pour dire combien je suis en désaccord avec les propos sévères contre les mathématiques de Claude Allègre dans son livre intitulé <<La défaite de Platon>>. La valeur des statistiques et des mathématiques en général ne réside pas dans le fait qu'elles révéleraient quelques choses de plus réel que le monde perceptible. Un modèle statistique est une entité mathématique qui résume des données, il n'a pas plus de valeur que les données elles mêmes, il est surtout plus facile à manipuler. Les attaques de Claude Allègre contre les mathématiques et contre l'utilisation de celles ci font aussi l'objet de déclarations publiques. Voilà par exemple un extrait d'un article écrit par Claude Allègre paru dans le Monde du vendredi 6 Février 1998, article ayant l'honneur de la première page et intitulé modestement <<Ce que je veux>>.: <<Naguère, on pensait que les mathématiques régnaient au-dessus des sciences. Aujourd'hui on constate que les grandes sciences (biologie, informatique, chimie par exemple) se développent en dehors d'elles. Il n'y a pas si longtemps encore, on tenait les sciences de la nature pour de pures descriptions qualitatives. Aujourd'hui ce sont les sciences de la vie ou de la Terre qui occupent le devant de la scène. Le point de vue historique s'impose en sciences de la matière, de la vie, comme de la société.>> Je me refuse de faire un commentaire critique détaillé de ce paragraphe mais il correspond à une sorte d'antithèse exacte de ce qu'est mon travail. En tant que mathématicien appliqué, j'interviens auprès des spécialistes des grandes sciences pour les éclairer avec le savoir d'une science présentée comme légèrement dépassée. Il se trouve et c'est ce qui est gênant, que monsieur Allègre ne tient pas ce discours en tant que spécialiste des sciences de la Terre mais en tant que ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. En tant que fonctionnaire de l'éducation nationale, c'est donc mon ministre de tutelle et je suis donc tenu de ne pas trop étaler mon opinion négative. Parfois un phénomène physique ou biologique peut apparaître comme complètement indépendant de la mathématique de l'époque où il a été découvert puis les mathématiques évoluant, le phénomène peut être modélisé par les mathématiques. L'exemple auquel je pense c'est le mouvement brownien, ce phénomène a été découvert par un botaniste écossais nommé Robert Brown (1773-1858), à l'époque de Brown ce phénomène était quelque chose de purement <<botanique>> concernant les pollens, le mouvement brownien a été identifié en 1827. Mais l'étude du mouvement brownien est devenu un domaine très important de la théorie moderne des probabilités, notamment grâce aux travaux de Paul Lévy (1886-1971), le livre de Paul Lévy <<Processus stochastiques et mouvement brownien>> date de 1948. Entre 1827 et 1948 le mouvement brownien est passé de la botanique aux mathématiques, alors que sa première apparition dans l'histoire des sciences le faisait croire en dehors des mathématiques.


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Joseph Saint Pierre
1998-11-24